L E C O S T U M E DU X è m e A U X I I è m e S I E C L E
LA BARBE
Au XIIème siècle, la barbe régnait encore en France. Tout d'abord pointue et placée à l’extrémité du menton, elle se modifia au fil du temps, en se réunissant ensuite avec les moustaches de manière à encadrer la bouche. Le plus grand nombre ne se rasait pas la lèvre inférieure, et, en France, parurent les barbes en toupet. Cette mode disparut sous le règne de Louis le Jeune et les moustaches furent supprimées. Les historiens remarquent qu’il n’y eut plus que les habitants des campagnes ou ceux ayant fait le voyage de la Terre-Sainte, désireux d'en conserver les marques, qui conservèrent leur barbe. Tous les mentons furent rasés à la fin du XIIème siècle.
Les statuts des ordres religieux, établis ou réformés pendant les XIIème et XIIIème siècles, déterminèrent quand et comment les moines devaient couper leur barbe. Cette opération se faisait tous les quinze jours depuis l’équinoxe d’hiver jusqu’à l’équinoxe du printemps, et tous les dix jours pendant le reste de l’année. Les religieux laïcs ou frères convers étaient assujettis à des règles plus sévères : ils ne pouvaient se raser qu’une fois par mois. La manière dont ils devaient se raser le visage et la tête différait de celle prescrite aux autres religieux. Le convers qui s’écartait de la forme voulue était condamné, pour la première fois, à ne manger que du pain et à ne boire que de l’eau durant quatre samedis et, en cas de rechute, à la prison.
Louis VII dit le Jeune
COSTUME DE LOUIS VII
La figure de Louis VII, dit le Jeune, est empruntée au célèbre manuscrit de Du Tillet. C’est la copie de la statue qui décorait la tombe de ce monarque, à l’abbaye de Barbeau. Cette statue était colorée et dorée, et les couleurs adoptées par Du Tillet pour chaque partie du vêtement sont exactement les mêmes que celles de la statue. Le costume de ce prince est conforme à tout ce que l’on connaît de ce genre. On remarque seulement, sur la manche de la tunique de dessous, à l’endroit du coude, une pièce brodée, de forme quadrangulaire, terminée par de petites pattes. La large bande ornée qui traverse le buste sous le manteau semble être une première ceinture placée très haut sans aucune utilité particulière.
Louis VII par Jean de Tillet
COSTUMES DE FEMMES ET D'HOMMES DE DIFFERENTES CONDITIONS
Les reine avaient une robe boutonnée par devant ainsi que les manches depuis le coude jusqu’à la main ; le manteau, ouvert par côtés pour y passer les bras, était garni d’un grand collet qui laissait le haut de la poitrine découvert, et se terminait par deux grandes pointes.
Les robes des autres femmes différaient de celle de la reine que par l'ouverture inexistante au niveau de la poitrine. Quelques robes avaient une double manche : celle de dessus s’élargissait en descendant et se terminait au haut de l’avant-bras. Plusieurs femmes n’avaient qu’un simple ruban autour de la tête. Les dames de la cour portaient un ruban garni de fleurs ou de fleurons ; plusieurs avaient une espèce de mentonnière, et d’autres un claque-oreille, coiffure dont les bords étaient pendants. Celles du peuple avaient un voile ou un chaperon. L’habit des hommes ne différait de celui des femmes qu’en ce qu’il ne descendait qu’à mi-jambes. Leur chaperon, festonné quelquefois par le bas, couvrait leurs épaules et le haut de la poitrine avec un bonnet par-dessous.
COSTUMES MILITAIRES
Les chevaliers portaient une jaque de mailles qui couvrait les bras et les jambes ainsi qu'une cotte d’armes qui tombait jusqu’aux genoux. Une grève ou plaque de métal couvrait le devant de leurs jambes. Leur casque était garni d'une visière. Leur lance, terminée par une espèce de trèfle et ornée d’une flamme, était du genre de celles qu’on appelait courtoises. La jaque de mailles avait quelquefois un capuchon sur lequel on mettait un casque rond.
L'arbalétrier était revêtu d’une jaques de cuir de cerf, espèce de justaucorps que, plus tard, Louis XII fit prendre aux francs-archers. Ces jaques, bourrées entre les toiles ou l’étoffe dont elles étaient composées, s’appelaient aussi hucque, et gambessous ou gambeson. Le chaperon, casque ou bonnet de mailles, servant d’armure de tête, et auquel on donnait également le nom de chapeau et de chapelet, était d’une seule pièce, ainsi que le gorgerain. Une robe sans manches, passée par-dessus le justaucorps, s’arrêtait à mi-jambes. Le concile de Latran défendit, en 1139, l’usage de l’arbalète. Louis-le-Jeune se conforma à cette décision, et on ne reprit cette arme que sous Philippe-Auguste.
Les Templiers, ou chevaliers de la milice du Temple, institués au commencement du XIIème siècle par des croisés français, portaient un habit et un manteau blancs, d’abord sans croix, puis ornée d’une croix rouge. En temps de guerre, ils étaient cuirassés, avec une robe blanche et un manteau par-dessus la cuirasse. Leur coiffure ordinaire était une espèce de petite capuce. Les écuyers, frères servants ou domestiques n’avaient que des manteaux noirs, et, s’ils ne trouvaient pas de noirs, ils devaient, d’après les statuts de l’ordre, les porter de l’étoffe que fournissait le pays où ils étaient, mais de couleur commune.
COSTUME DES LABOUREURS
Au XIIème siècle, le vêtement principal des laboureurs était le sayon, qui ne passait pas les genoux. Mais la plupart d’entre eux mettaient par dessus un surtout ample et court, de formes et de noms variés. Le plus commun, pourvu d’un capuchon, ressemblait exactement au bardocuculle
gaulois. Chez d'autres, ce vêtement sans ouvertures latérales et sans manches, était la chasuble primitive, casula, ainsi appelée, parce qu’elle enveloppait l’homme comme une petite maison. Cette espèce de fourreau, vers la fin de la domination romaine, était commun à toutes les classes de la société, jusqu'à sa seule utilisation pour les ecclésiastiques dans l'exercice de fonction du sacerdoce au fil du temps. On ne doit pas s’étonner de le retrouver au XIIème siècle chez des habitants de la campagne qui se transmettent leurs habitudes de génération en génération durant des siècles.
LE CHAPERON ET AUTRES ORNEMENTS DE TETE
Le chaperon était un ornement de tête dont quelques auteurs font remonter l’origine jusqu’au premiers temps de la monarchie. Mole au contraire, dans son Histoire des Modes françaises, pense que cet ajustement, adopté par l’un et l’autre sexe, ne parut en France que vers le XIIème siècle. Il succéda aux chapes, dont il n’était qu’un diminutif ou plutôt dont il faisait partie. Cette coiffure fut longtemps à la mode. Les dames de qualité avaient des chaperons de velours, les autres des chaperons de drap. Plus un homme était élevé en dignité, plus il donnait d’ampleur à son chaperon et le surchargeait de fourrures. Les personnes sans titres, sans qualité, portaient des chaperons étroits, pointus et non fourrés. La cornette était presque toujours attachée au chaperon : c’était une espèce de béguin de toile, long d’environ 48 centimètres, uni et découpé : il servait à serrer le chaperon autour de la tête, et à l’assujettir soit sur le bonnet, soit sur le mortier.
Le mortier fut une des premières coiffures dont les grands et le peuple firent usage. Peu à peu sa forme changea, et les ducs et les barons furent les seuls qui le conservèrent dans toute son intégrité. L’aumusse et le bonnet, ou barrette, étaient plus ou moins juste à la tête, plus ou moins aplatie, et communs aux ecclésiastiques et aux laïcs.
C’était une marque de deuil de porter le chaperon ravalé ou rabattu sur le dos sans fourrure. La cornette se roulait autour du cou et se projetait par derrière. C’est sans doute pour cette raison que les gens de robe dans le deuil ont porté durant plusieurs siècles un large morceau d’étoffe divisé en deux parties inégales, imitation imparfaite du chaperon déployé et de l’extrémité de la cornette rejetée par derrière.
Ces divers ajustements, commodes pendant l’hiver, étaient mis à l’écart pendant l’été. On prenait alors des ornements de tête plus légers, tels que les chapels ou chapelets. On avait même recours à la frisure en roulant l’extrémité des cheveux.
AUMONIERES
Les escarcelles (du mot italien scarcella, bourse), appelées aussi aumônières, parce qu’on y mettait les aumônes à distribuer, étaient portées suspendues ou fixées à la ceinture par des ganses, des courroies on des chaînettes. L’usage est ancien, puisque le moine d’Angoulême, historien de Charlemagne, parle de l’aumônière d’or, pera pereqrinalis aurea, que l’on suspendit par-dessus les habits impériaux de ce monarque, lorsqu’on le descendit dans le tombeau. Mais il est certain que cet usage devint surtout universel à l’époque des croisades.
L’escarcelle était un des insignes par lesquels se distinguaient les pèlerins de la Terre-Sainte. Aucun voyageur d’outre-mer, pèlerin ou croisé n’aurait entrepris son voyage avant d’avoir reçu des mains d’un prêtre la croix, l’escarcelle et le bourdon. Les rois eux-mêmes se conformaient à cette obligation, et Du Gange (Dissertation sur l’escarcelle et le bourdon des pèlerins) a extrait des historiens des passages qui établissent la réalité de ce fait. C’était à Saint-Denis que les rois prenaient l’escarcelle de pèlerin, sporta peregrinationis, avec l’oriflamme et le bourdon, lorsqu’ils partaient pour la Terre-Sainte. L'usage de l'escarcelle passa des pèlerins aux bourgeois, aux nobles, ainsi qu'à toutes les classes de la société, et se prolongea jusqu'à la fin du XVIème siècle.